Rencontre avec la sénatrice Rebecca Patterson
En 2022, la sénatrice Rebecca Patterson, une contre-amirale à la retraite comptant 34 années d’expérience militaire, est devenue la première femme ayant servi dans les Forces armées canadiennes à être nommée au Sénat.
La sénatrice de l’Ontario s’est entretenue avec SenCAplus pour parler des différents rôles qu’elle a exercés au sein des Forces armées canadiennes – notamment dans la lutte contre l’inconduite sexuelle et à la tête des Services de santé des Forces canadiennes pendant la pandémie de COVID-19 – et de la manière dont elle continue de veiller aux intérêts des vétérans à la Chambre rouge.
Vous êtes la première femme ayant servi dans les Forces armées canadiennes à avoir été nommée sénatrice. Quelle importance est-ce que cela revêt pour vous?
Je crois que cela témoigne de tout le chemin parcouru par les Forces armées canadiennes depuis 1989, l’année où je me suis enrôlée. Je ne fais pas partie de la première cohorte de femmes à s’être démarquées dans les Forces canadiennes, mais j’ai profité du travail qu’elles ont accompli. C’est en suivant le chemin qu’elles ont tracé que j’ai pu me retrouver au Sénat. Je suis fière de toutes ces femmes qui ont pavé la voie pour que des personnes comme moi aient aujourd’hui la possibilité de jouer un rôle au sein du Parlement.
Qu’est-ce qui vous a incitée à vous enrôler dans les Forces armées canadiennes, et pourquoi avoir choisi la Marine royale canadienne?
Je viens d’une famille de militaires. Mon père était sous-marinier dans la Marine royale canadienne et, pendant la guerre froide, il travaillait au Royaume-Uni lorsqu’il est tombé malade et a dû être hospitalisé à l’hôpital de la Royal Navy. C’est là qu’il a rencontré ma mère, qui était alors infirmière militaire dans la marine britannique. Ma sœur et moi sommes nées au Royaume-Uni, mon frère au Canada et, bien que mon père ait quitté la Marine royale canadienne en 1968, la notion de service est restée inscrite dans notre ADN familial.
Par la suite, nous avons vécu au Manitoba, puis nous avons déménagé à Thunder Bay, en Ontario. Mon père a décidé de poursuivre sa carrière militaire en se joignant à la Réserve navale, et il m’a dit que je pourrais faire partie de la Ligue navale du Canada. Je ne pouvais pas attendre pour y entrer. J’ai passé ma préadolescence et mon adolescence dans les cadets de la Marine. Comme nous avons continué de déménager régulièrement, les cadets me permettaient de faire de nouvelles connaissances. C’est pendant ces années que m’est venu le désir de servir d’une façon ou d’une autre. De plus, j’avais alors l’habitude d’écouter MASH et j’étais fascinée par cette émission!
Après le secondaire, je me suis rendue dans un centre de recrutement et j’ai dit que je voulais m’enrôler dans la Marine royale canadienne. À cette époque, les possibilités d’emploi pour les femmes dans les Forces étaient limitées, et le parcours professionnel le plus courant pour elles était celui des soins infirmiers. J’ai donc obtenu mon diplôme d’infirmière au Niagara College et j’ai commencé à travailler aux soins intensifs. Puis je suis retournée au centre de recrutement. Je suis entrée dans les Forces le premier mois où toutes les professions au sein des Forces canadiennes, sauf dans les sous-marins, ont été ouvertes aux femmes. C’était en janvier 1989. Cet événement a teinté le reste de ma carrière, et je crois que c’est réellement ce qui m’a menée vers le Sénat.
Pourquoi vouliez-vous devenir sénatrice?
Un jour, j’ai réalisé que 32 années s’étaient écoulées depuis mon entrée dans les Forces. Je n’aurais jamais pensé rester aussi longtemps dans une carrière.
Je m’étais jointe aux Forces armées canadiennes au moment où la guerre froide prenait fin, et tout dans cette institution correspondait à ma personnalité.
Bien sûr, il y avait des obstacles, mais j’ai accompli tellement de choses incroyables, notamment en dirigeant les efforts de l’Opération HONOUR, qui visait à éliminer l’inconduite sexuelle au sein des Forces, en assumant le commandement des Services de santé pendant la pandémie de COVID‑19, et en œuvrant pour un changement de culture au sein des Forces en tant que championne de la Défense pour les femmes. J’ai également beaucoup voyagé, notamment lors de déploiements dans le golfe Persique, en Somalie et en Afghanistan. J’ai pu continuer à étudier tout au long de ma carrière et je suis devenue bilingue grâce aux Forces.
J’avais comparu à maintes reprises devant des comités de la Chambre des communes et du Sénat au fil des ans, et j’admirais la qualité des questions posées par les sénateurs. Le Sénat me semblait l’endroit idéal pour continuer à servir le public.
Comment vos 34 années d’expérience militaire influencent-elles votre travail au Sénat?
Tout d’abord, à l’exception d’un territoire, j’ai visité toutes les provinces, et j’ai vécu dans plusieurs d’entre elles, ce qui m’a permis d’entendre des points de vue variés. Ensuite, la possibilité pour les membres des Forces armées canadiennes de faire entendre leur voix au Parlement est limitée, parce qu’ils n’ont pas la capacité de faire pression sur le gouvernement. Il y a de bonnes raisons à cela, notamment le contrôle civil des forces armées.
En tant que Canadienne ayant servi notre pays au sein des Forces armées canadiennes, j’ai un regard différent à proposer au Sénat. J’apporte une perspective unique sur la défense et la sécurité du Canada, et je suis ici pour servir les vétérans et leur famille, dans une optique axée sur les femmes, la paix et la sécurité ainsi que la sécurité sanitaire. Ce sont ces intérêts que je représente. J’estime également avoir une immense dette envers les militaires actifs et les vétérans canadiens et leurs proches.
Avant la prorogation, vous étiez présidente du Sous-comité des anciens combattants. Qu’espériez-vous accomplir dans ce rôle?
Nous menions une étude sur l’itinérance chez les vétérans, qui était une occasion pour le Sénat de contribuer à mener la discussion sur la situation des vétérans au Canada, tant les bons côtés que les défis auxquels ils font face.
De plus, en raison de mes antécédents, je comprends les groupes de personnes qui ont besoin de faire entendre leur voix. Dans le cadre de l’étude sur l’itinérance chez les vétérans, nous nous intéressions aux initiatives qui ont été mises en place pour contrer ce problème au cours des dernières années. Cette nouvelle étude n’était pas axée sur les causes profondes du problème des vétérans sans abri, car des études parlementaires antérieures ont déjà abordé cette question. Ce que nous voulions examiner, c’était l’incidence de ces initiatives sur les gens qui vivent dans des conditions difficiles, qui sont en situation de logement précaire ou carrément sans abri, et ce, en adoptant une perspective intersectionnelle. Celle-ci englobait les hommes, les femmes, les personnes de toutes les identités et expressions de genre, les Autochtones, les membres des communautés 2ELGBTQ+, etc.
Le comité a été dissous avec la prorogation, mais j’espère que le Sénat continuera à consacrer du temps à cette question importante lorsque le Parlement reprendra ses travaux.
Quand vous n’êtes pas au travail, vous allez à la chasse aux antiquités. Quelle est votre trouvaille d’époque la plus précieuse, et pour quelle raison?
Il y a deux objets que j’affectionne particulièrement. J’ai déniché le premier dans un magasin Village des valeurs sur le chemin Merivale.
Il s’agit d’une cuillère à café en argent massif, et j’ai découvert qu’elle provenait d’un ensemble de pièces d’argenterie domestique datant de 1792. Elle porte les initiales du couple qui l’aurait fait fabriquer à Londres.
Le deuxième objet est une fabuleuse trouvaille que j’ai faite à l’Armée du Salut à Bells Corners. Il s’agit d’une tasse à thé datant environ des années 1800 à 1810. Elle présente une petite fissure et une tache de thé. J’adore essayer de comprendre la provenance des objets anciens.
Qu’est-ce que la majorité des Canadiens ignorent à votre sujet?
Que je viens d’un milieu modeste. Et je dis cela tout en reconnaissant que je jouis de privilèges liés à certains facteurs d’identification, comme le fait d’être blanche et anglophone. Mes parents ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour nous offrir des opportunités, même lorsqu’ils n’avaient pas un sou à dépenser. Ils nous ont appris à croire en nous-mêmes et à être indépendants.
Y a-t-il quelque chose qui vous a surprise au Sénat?
On y trouve un sentiment de solidarité qui va au-delà des convictions politiques, des votes ou des antécédents de chacun. C’est un environnement chaleureux et respectueux.
Les Canadiens ne connaissent pas suffisamment le Sénat, et dans le monde particulièrement acrimonieux où nous vivons, c’est regrettable. Un plus grand nombre de personnes devraient savoir que les sénateurs rédigent et modifient des lois qui ont une incidence sur leur vie. Nous nous efforçons de collaborer et de trouver des compromis parce qu’ultimement, nous sommes là pour donner une voix à ceux qui n’en ont pas.
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En 2022, la sénatrice Rebecca Patterson, une contre-amirale à la retraite comptant 34 années d’expérience militaire, est devenue la première femme ayant servi dans les Forces armées canadiennes à être nommée au Sénat.
La sénatrice de l’Ontario s’est entretenue avec SenCAplus pour parler des différents rôles qu’elle a exercés au sein des Forces armées canadiennes – notamment dans la lutte contre l’inconduite sexuelle et à la tête des Services de santé des Forces canadiennes pendant la pandémie de COVID-19 – et de la manière dont elle continue de veiller aux intérêts des vétérans à la Chambre rouge.
Vous êtes la première femme ayant servi dans les Forces armées canadiennes à avoir été nommée sénatrice. Quelle importance est-ce que cela revêt pour vous?
Je crois que cela témoigne de tout le chemin parcouru par les Forces armées canadiennes depuis 1989, l’année où je me suis enrôlée. Je ne fais pas partie de la première cohorte de femmes à s’être démarquées dans les Forces canadiennes, mais j’ai profité du travail qu’elles ont accompli. C’est en suivant le chemin qu’elles ont tracé que j’ai pu me retrouver au Sénat. Je suis fière de toutes ces femmes qui ont pavé la voie pour que des personnes comme moi aient aujourd’hui la possibilité de jouer un rôle au sein du Parlement.
Qu’est-ce qui vous a incitée à vous enrôler dans les Forces armées canadiennes, et pourquoi avoir choisi la Marine royale canadienne?
Je viens d’une famille de militaires. Mon père était sous-marinier dans la Marine royale canadienne et, pendant la guerre froide, il travaillait au Royaume-Uni lorsqu’il est tombé malade et a dû être hospitalisé à l’hôpital de la Royal Navy. C’est là qu’il a rencontré ma mère, qui était alors infirmière militaire dans la marine britannique. Ma sœur et moi sommes nées au Royaume-Uni, mon frère au Canada et, bien que mon père ait quitté la Marine royale canadienne en 1968, la notion de service est restée inscrite dans notre ADN familial.
Par la suite, nous avons vécu au Manitoba, puis nous avons déménagé à Thunder Bay, en Ontario. Mon père a décidé de poursuivre sa carrière militaire en se joignant à la Réserve navale, et il m’a dit que je pourrais faire partie de la Ligue navale du Canada. Je ne pouvais pas attendre pour y entrer. J’ai passé ma préadolescence et mon adolescence dans les cadets de la Marine. Comme nous avons continué de déménager régulièrement, les cadets me permettaient de faire de nouvelles connaissances. C’est pendant ces années que m’est venu le désir de servir d’une façon ou d’une autre. De plus, j’avais alors l’habitude d’écouter MASH et j’étais fascinée par cette émission!
Après le secondaire, je me suis rendue dans un centre de recrutement et j’ai dit que je voulais m’enrôler dans la Marine royale canadienne. À cette époque, les possibilités d’emploi pour les femmes dans les Forces étaient limitées, et le parcours professionnel le plus courant pour elles était celui des soins infirmiers. J’ai donc obtenu mon diplôme d’infirmière au Niagara College et j’ai commencé à travailler aux soins intensifs. Puis je suis retournée au centre de recrutement. Je suis entrée dans les Forces le premier mois où toutes les professions au sein des Forces canadiennes, sauf dans les sous-marins, ont été ouvertes aux femmes. C’était en janvier 1989. Cet événement a teinté le reste de ma carrière, et je crois que c’est réellement ce qui m’a menée vers le Sénat.
Pourquoi vouliez-vous devenir sénatrice?
Un jour, j’ai réalisé que 32 années s’étaient écoulées depuis mon entrée dans les Forces. Je n’aurais jamais pensé rester aussi longtemps dans une carrière.
Je m’étais jointe aux Forces armées canadiennes au moment où la guerre froide prenait fin, et tout dans cette institution correspondait à ma personnalité.
Bien sûr, il y avait des obstacles, mais j’ai accompli tellement de choses incroyables, notamment en dirigeant les efforts de l’Opération HONOUR, qui visait à éliminer l’inconduite sexuelle au sein des Forces, en assumant le commandement des Services de santé pendant la pandémie de COVID‑19, et en œuvrant pour un changement de culture au sein des Forces en tant que championne de la Défense pour les femmes. J’ai également beaucoup voyagé, notamment lors de déploiements dans le golfe Persique, en Somalie et en Afghanistan. J’ai pu continuer à étudier tout au long de ma carrière et je suis devenue bilingue grâce aux Forces.
J’avais comparu à maintes reprises devant des comités de la Chambre des communes et du Sénat au fil des ans, et j’admirais la qualité des questions posées par les sénateurs. Le Sénat me semblait l’endroit idéal pour continuer à servir le public.
Comment vos 34 années d’expérience militaire influencent-elles votre travail au Sénat?
Tout d’abord, à l’exception d’un territoire, j’ai visité toutes les provinces, et j’ai vécu dans plusieurs d’entre elles, ce qui m’a permis d’entendre des points de vue variés. Ensuite, la possibilité pour les membres des Forces armées canadiennes de faire entendre leur voix au Parlement est limitée, parce qu’ils n’ont pas la capacité de faire pression sur le gouvernement. Il y a de bonnes raisons à cela, notamment le contrôle civil des forces armées.
En tant que Canadienne ayant servi notre pays au sein des Forces armées canadiennes, j’ai un regard différent à proposer au Sénat. J’apporte une perspective unique sur la défense et la sécurité du Canada, et je suis ici pour servir les vétérans et leur famille, dans une optique axée sur les femmes, la paix et la sécurité ainsi que la sécurité sanitaire. Ce sont ces intérêts que je représente. J’estime également avoir une immense dette envers les militaires actifs et les vétérans canadiens et leurs proches.
Avant la prorogation, vous étiez présidente du Sous-comité des anciens combattants. Qu’espériez-vous accomplir dans ce rôle?
Nous menions une étude sur l’itinérance chez les vétérans, qui était une occasion pour le Sénat de contribuer à mener la discussion sur la situation des vétérans au Canada, tant les bons côtés que les défis auxquels ils font face.
De plus, en raison de mes antécédents, je comprends les groupes de personnes qui ont besoin de faire entendre leur voix. Dans le cadre de l’étude sur l’itinérance chez les vétérans, nous nous intéressions aux initiatives qui ont été mises en place pour contrer ce problème au cours des dernières années. Cette nouvelle étude n’était pas axée sur les causes profondes du problème des vétérans sans abri, car des études parlementaires antérieures ont déjà abordé cette question. Ce que nous voulions examiner, c’était l’incidence de ces initiatives sur les gens qui vivent dans des conditions difficiles, qui sont en situation de logement précaire ou carrément sans abri, et ce, en adoptant une perspective intersectionnelle. Celle-ci englobait les hommes, les femmes, les personnes de toutes les identités et expressions de genre, les Autochtones, les membres des communautés 2ELGBTQ+, etc.
Le comité a été dissous avec la prorogation, mais j’espère que le Sénat continuera à consacrer du temps à cette question importante lorsque le Parlement reprendra ses travaux.
Quand vous n’êtes pas au travail, vous allez à la chasse aux antiquités. Quelle est votre trouvaille d’époque la plus précieuse, et pour quelle raison?
Il y a deux objets que j’affectionne particulièrement. J’ai déniché le premier dans un magasin Village des valeurs sur le chemin Merivale.
Il s’agit d’une cuillère à café en argent massif, et j’ai découvert qu’elle provenait d’un ensemble de pièces d’argenterie domestique datant de 1792. Elle porte les initiales du couple qui l’aurait fait fabriquer à Londres.
Le deuxième objet est une fabuleuse trouvaille que j’ai faite à l’Armée du Salut à Bells Corners. Il s’agit d’une tasse à thé datant environ des années 1800 à 1810. Elle présente une petite fissure et une tache de thé. J’adore essayer de comprendre la provenance des objets anciens.
Qu’est-ce que la majorité des Canadiens ignorent à votre sujet?
Que je viens d’un milieu modeste. Et je dis cela tout en reconnaissant que je jouis de privilèges liés à certains facteurs d’identification, comme le fait d’être blanche et anglophone. Mes parents ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour nous offrir des opportunités, même lorsqu’ils n’avaient pas un sou à dépenser. Ils nous ont appris à croire en nous-mêmes et à être indépendants.
Y a-t-il quelque chose qui vous a surprise au Sénat?
On y trouve un sentiment de solidarité qui va au-delà des convictions politiques, des votes ou des antécédents de chacun. C’est un environnement chaleureux et respectueux.
Les Canadiens ne connaissent pas suffisamment le Sénat, et dans le monde particulièrement acrimonieux où nous vivons, c’est regrettable. Un plus grand nombre de personnes devraient savoir que les sénateurs rédigent et modifient des lois qui ont une incidence sur leur vie. Nous nous efforçons de collaborer et de trouver des compromis parce qu’ultimement, nous sommes là pour donner une voix à ceux qui n’en ont pas.