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Le nouveau processus de nomination au Sénat devrait être maintenu : sénateur Dalphond

Gros plan de la masse du Sénat posée sur un coussin rouge à franges dorées sur une table dans la Chambre du Sénat.

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Depuis les élections de 2015, le Sénat du Canada s’est transformé, passant d’une chambre d’écho pour les discours des partis libéral et conservateur à une précieuse institution de second examen objectif, conformément à sa vocation initiale.

Cette transformation repose sur l’engagement, pris en 2015 par l’ancien premier ministre Justin Trudeau, d’inviter les Canadiens de tous les horizons à postuler au Sénat et de ne nommer que des personnes recommandées par un comité consultatif indépendant. On a dit aux 100 sénateurs nommés selon le nouveau système qu’ils étaient indépendants du gouvernement. Depuis, la plupart d’entre eux se sont affiliés soit au Groupe progressiste du Sénat, soit au Groupe des sénateurs canadiens, soit au Groupe des sénateurs indépendants. Ces trois groupes parlementaires reconnus au Sénat agissent indépendamment des partis politiques canadiens et ne font pas partie de leur caucus. Seul le quatrième groupe reconnu, celui des conservateurs, se réunit régulièrement avec les députés conservateurs et suit les directives du chef de leur parti.

Libérés de la discipline de parti, la plupart des sénateurs croient en une Chambre haute qui s’acquitte de son devoir constitutionnel, à savoir l’examen objectif des projets de loi.

Depuis 2015, les sénateurs ont réussi à amender 22 % des projets de loi du gouvernement ayant reçu la sanction royale. Parmi les amendements de fond qui ont été adoptés, citons : la mise en place d’une procédure d’appel en cas de révocation de la citoyenneté pour cause de fraude, l’élimination de la discrimination fondée sur le sexe dans les règles régissant le statut d’Indien au titre de la Loi sur les Indiens, la fourniture de services ferroviaires équitables aux producteurs de soja, l’interdiction des cigarettes au menthol, l’élargissement des droits de négociation collective des membres de la GRC, le maintien de la compétence provinciale en matière de protection des consommateurs dans le secteur bancaire, la révision des lois canadiennes sur l’accès à l’information et l’élimination progressive des essais de produits chimiques sur les animaux.

À titre de comparaison, pendant les dix années où Stephen Harper a été premier ministre, les sénateurs n’ont amendé que 7 % des projets de loi du gouvernement, souvent à la demande de ce dernier. En fait, à l’époque, le pouvoir exécutif avait une emprise sur le Sénat. Dans la décision Duffy (en anglais seulement) qu’il a rendue en 2016, le juge de la Cour de l’Ontario Charles Vaillancourt a écrit que le cabinet du premier ministre d’alors donnait des ordres aux sénateurs comme s’ils étaient des « pions sur un échiquier » et que les sénateurs conservateurs de longue date répétaient comme des robots les textes qui leur étaient fournis.

Par ailleurs, les sénateurs se sont penchés sur divers aspects de l’administration fédérale. Il est maintenant courant que les ministres participent à la période de questions du Sénat, d’une durée d’une heure. Les ministres et les hauts fonctionnaires comparaissent aussi devant les comités pour répondre à des questions non partisanes sur les projets de loi et les ministères.

En ce qui concerne la transparence et la reddition de comptes, les délibérations du Sénat sont aujourd’hui télédiffusées, les dépenses des sénateurs sont divulguées de manière proactive, une politique moderne sur le harcèlement est en place, et un comité de l’audit et de la surveillance, comptant des membres externes, a été créé.

Au chapitre de la représentation, le nouveau Sénat a presque atteint la parité des sexes, 53 % de ses membres étant des femmes, et il se compose de sénateurs issus de divers milieux et horizons. Aujourd’hui, environ 10 % des sénateurs sont autochtones. En 2020, le regretté sénateur Murray Sinclair a dit : « Les politiques du Sénat ont […] permis de faire avancer la réconciliation en permettant une participation accrue de nombreux peuples fondateurs du Canada aux débats au Parlement et au processus législatif. Ce changement nous rappelle qu’une telle représentation se fait attendre depuis bien trop longtemps et qu’elle devrait toujours se poursuivre à l’avenir, notamment grâce à un processus de nomination ouvert et indépendant. »

Il est vrai que bon nombre des sénateurs nommés dans le cadre du nouveau système tendent à défendre des valeurs progressistes. Cela dit, en ce moment, le Sénat comporte aussi un groupe présidé par un sénateur nommé par Harper et composé d’anciens sénateurs du Parti conservateur et de nombreux autres nommés par Trudeau. À mon avis, il est important que le processus de nomination continue de favoriser une diversité d’opinions politiques.

Les Canadiens commencent à reconnaitre la valeur du nouveau Sénat. Un sondage de 2024 (en anglais seulement) marrainé par la sénatrice Donna Dasko a révélé que sept Canadiens sur dix souhaitaient le maintien du processus de nomination indépendant. Seuls 5 % des répondants étaient favorables au retour de l’ancien système de nomination partisan, aux lacunes bien connues.

J’invite les chefs du Parti libéral et du Parti conservateur à s’engager à préserver l’indépendance du Sénat par rapport aux partis politiques. Pour le Parti libéral, il s’agirait de poursuivre cette réforme constitutionnelle qui a fait ses preuves. Pour le Parti conservateur, un bon début serait de renouer avec la décision prise par le premier ministre R.B. Bennett dans les années 1930 d’exclure les sénateurs conservateurs des réunions du caucus. Le parti se montrerait ainsi à l’écoute des Canadiens, qui veulent une Chambre haute qui en vaut le cout, et non une tribune prestigieuse à laquelle sont nommés des partisans du parti.


Le sénateur Pierre Dalphond, qui représente le Québec (De Lorimier) à la Chambre rouge, est le leader du Groupe progressiste du Sénat.

Cet article a été publié le 24 mars 2025 dans le Hill Times (en anglais seulement).

Depuis les élections de 2015, le Sénat du Canada s’est transformé, passant d’une chambre d’écho pour les discours des partis libéral et conservateur à une précieuse institution de second examen objectif, conformément à sa vocation initiale.

Cette transformation repose sur l’engagement, pris en 2015 par l’ancien premier ministre Justin Trudeau, d’inviter les Canadiens de tous les horizons à postuler au Sénat et de ne nommer que des personnes recommandées par un comité consultatif indépendant. On a dit aux 100 sénateurs nommés selon le nouveau système qu’ils étaient indépendants du gouvernement. Depuis, la plupart d’entre eux se sont affiliés soit au Groupe progressiste du Sénat, soit au Groupe des sénateurs canadiens, soit au Groupe des sénateurs indépendants. Ces trois groupes parlementaires reconnus au Sénat agissent indépendamment des partis politiques canadiens et ne font pas partie de leur caucus. Seul le quatrième groupe reconnu, celui des conservateurs, se réunit régulièrement avec les députés conservateurs et suit les directives du chef de leur parti.

Libérés de la discipline de parti, la plupart des sénateurs croient en une Chambre haute qui s’acquitte de son devoir constitutionnel, à savoir l’examen objectif des projets de loi.

Depuis 2015, les sénateurs ont réussi à amender 22 % des projets de loi du gouvernement ayant reçu la sanction royale. Parmi les amendements de fond qui ont été adoptés, citons : la mise en place d’une procédure d’appel en cas de révocation de la citoyenneté pour cause de fraude, l’élimination de la discrimination fondée sur le sexe dans les règles régissant le statut d’Indien au titre de la Loi sur les Indiens, la fourniture de services ferroviaires équitables aux producteurs de soja, l’interdiction des cigarettes au menthol, l’élargissement des droits de négociation collective des membres de la GRC, le maintien de la compétence provinciale en matière de protection des consommateurs dans le secteur bancaire, la révision des lois canadiennes sur l’accès à l’information et l’élimination progressive des essais de produits chimiques sur les animaux.

À titre de comparaison, pendant les dix années où Stephen Harper a été premier ministre, les sénateurs n’ont amendé que 7 % des projets de loi du gouvernement, souvent à la demande de ce dernier. En fait, à l’époque, le pouvoir exécutif avait une emprise sur le Sénat. Dans la décision Duffy (en anglais seulement) qu’il a rendue en 2016, le juge de la Cour de l’Ontario Charles Vaillancourt a écrit que le cabinet du premier ministre d’alors donnait des ordres aux sénateurs comme s’ils étaient des « pions sur un échiquier » et que les sénateurs conservateurs de longue date répétaient comme des robots les textes qui leur étaient fournis.

Par ailleurs, les sénateurs se sont penchés sur divers aspects de l’administration fédérale. Il est maintenant courant que les ministres participent à la période de questions du Sénat, d’une durée d’une heure. Les ministres et les hauts fonctionnaires comparaissent aussi devant les comités pour répondre à des questions non partisanes sur les projets de loi et les ministères.

En ce qui concerne la transparence et la reddition de comptes, les délibérations du Sénat sont aujourd’hui télédiffusées, les dépenses des sénateurs sont divulguées de manière proactive, une politique moderne sur le harcèlement est en place, et un comité de l’audit et de la surveillance, comptant des membres externes, a été créé.

Au chapitre de la représentation, le nouveau Sénat a presque atteint la parité des sexes, 53 % de ses membres étant des femmes, et il se compose de sénateurs issus de divers milieux et horizons. Aujourd’hui, environ 10 % des sénateurs sont autochtones. En 2020, le regretté sénateur Murray Sinclair a dit : « Les politiques du Sénat ont […] permis de faire avancer la réconciliation en permettant une participation accrue de nombreux peuples fondateurs du Canada aux débats au Parlement et au processus législatif. Ce changement nous rappelle qu’une telle représentation se fait attendre depuis bien trop longtemps et qu’elle devrait toujours se poursuivre à l’avenir, notamment grâce à un processus de nomination ouvert et indépendant. »

Il est vrai que bon nombre des sénateurs nommés dans le cadre du nouveau système tendent à défendre des valeurs progressistes. Cela dit, en ce moment, le Sénat comporte aussi un groupe présidé par un sénateur nommé par Harper et composé d’anciens sénateurs du Parti conservateur et de nombreux autres nommés par Trudeau. À mon avis, il est important que le processus de nomination continue de favoriser une diversité d’opinions politiques.

Les Canadiens commencent à reconnaitre la valeur du nouveau Sénat. Un sondage de 2024 (en anglais seulement) marrainé par la sénatrice Donna Dasko a révélé que sept Canadiens sur dix souhaitaient le maintien du processus de nomination indépendant. Seuls 5 % des répondants étaient favorables au retour de l’ancien système de nomination partisan, aux lacunes bien connues.

J’invite les chefs du Parti libéral et du Parti conservateur à s’engager à préserver l’indépendance du Sénat par rapport aux partis politiques. Pour le Parti libéral, il s’agirait de poursuivre cette réforme constitutionnelle qui a fait ses preuves. Pour le Parti conservateur, un bon début serait de renouer avec la décision prise par le premier ministre R.B. Bennett dans les années 1930 d’exclure les sénateurs conservateurs des réunions du caucus. Le parti se montrerait ainsi à l’écoute des Canadiens, qui veulent une Chambre haute qui en vaut le cout, et non une tribune prestigieuse à laquelle sont nommés des partisans du parti.


Le sénateur Pierre Dalphond, qui représente le Québec (De Lorimier) à la Chambre rouge, est le leader du Groupe progressiste du Sénat.

Cet article a été publié le 24 mars 2025 dans le Hill Times (en anglais seulement).

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